Comment les « fake news » peuvent menacer notre santé
Source : Mediscoop
Caroline Faillet, « spécialiste du décodage de lâinfluence numérique », observe que les « fake news » « font lâobjet dâun projet de loi en discussion à lâAssemblée. Mais au-delà du seul domaine politique, ces fausses nouvelles contaminent notre vie quotidienne, en particulier la santé où, à force de brouiller les pistes entre fausses peurs et vrais risques, elles peuvent avoir de graves conséquences ».
La spécialiste rappelle quâ« en anglais, le terme ne désigne pas un article faux, au sens dâinexact, mais plutôt un faux article, une publication qui se fait passer pour un article de presse sans en être un. Câest le moyen préféré des pros de lâintox pour générer des revenus publicitaires, et plus la « fake news » est grossière et alarmiste, plus elle est lue, partagée et rémunératrice ».
Elle souligne : « Plus grave, certains chercheurs nâhésitent pas à enfreindre les règles scientifiques par pur intérêt : idéologique, pour défendre une cause ; de carrière, en vertu du fameux diktat «publish or perish» (publier ou mourir) ; financier, pour cautionner une association, un groupe industriel, une administration, un groupe de pression ; intellectuel, pour conforter ses propres publications tout en les sachant contestables ».
« Câest devenu dâautant plus facile que des éditeurs peu scrupuleux lancent sur le Web des revues prétendument scientifiques en accès libre qui, sous un nom à consonance scientifique, valident ces études bidon moyennant finances, au risque de créer la confusion avec les revues sérieuses. La recherche est aujourdâhui prise à son propre piège de course à la publication ; câest à elle de réfléchir aux moyens de mettre un terme à des dérives qui risquent dâentacher pour longtemps lâexpertise scientifique », continue Caroline Faillet.
Elle indique que « les faussaires ont trouvé lâoutil idéal de diffusion massive. Conçues pour capter notre attention, des plateformes comme Google, Facebook et Twitter se nourrissent de ces contenus en «prêt à partager» pour créer des communautés en rassemblant des personnes qui ne se reconnaissent plus dans le système ».
« Dans la santé, profitant du climat de défiance qui sâest installé entre le public et le corps médical, de véritables prédateurs manipulent ainsi les plus vulnérables. Dâaprès lâINCa (Institut national du cancer), 60% des personnes traitées pour un cancer prennent des remèdes naturels en plus de leurs traitements. Et les 10 millions de malades chroniques, qui supportent mal des traitements contraignants à vie, sont des proies de choix pour des recettes alternatives et autres médecines parallèles », souligne la spécialiste.
Caroline Faillet remarque quâ« endiguer ces réseaux dans un système libre et ouvert par définition est illusoire. Lâinformation nâest plus lâapanage des journalistes professionnels. Aujourdâhui, nâimporte qui peut produire le contenu quâil veut et sâarranger pour le faire référencer en tête des moteurs de recherche, loin devant les sites vitrines institutionnels que les internautes ne croiseront jamais en naviguant sur Internet. Câest aux experts et aux autorités sanitaires de sâapproprier davantage les outils numériques pour contrer la désinformation en répondant réellement aux peurs et attentes du public ».
La spécialiste souligne en outre que « nous pouvons tous être manipulés, et les plus éduqués nâéchappent pas aux « fake news », au point dâêtre souvent les premiers à relayer les discours de défiance envers la science. [â¦] La résistance à lâintox exige un effort citoyen pour apprendre à retrouver lâesprit critique à travers la rhétorique et la dialectique. Il est urgent de réhabiliter dès le plus jeune âge lâéducation à ces matières, plus que jamais dâactualité dans cette nouvelle agora quâest devenu le Web ».