Mois sans alcool : un succès inattendu, malgré la polémique
Source : Le Figaro
Le Figaro revient sur « le «Dry January» à la française [qui] avait démarré sous les critiques, sans aide des autorités ».
Le journal rappelle que ce « «défi» [est] né outre-manche : lâopération a été lancée en 2013 par Alcohol Change UK, une fondation qui revendique ne pas être «contre lâalcool» mais espérer «un avenir dans lequel les gens boivent par choix conscient, et non par défaut» ».
Le quotidien souligne quâ« en France, pays de la bonne chère et du bon vin, les autorités sanitaires qui devaient porter lâopération ont brutalement fait marche arrière. Le projet «nâavait pas été validé par le ministère de la Santé», expliquait le 21 novembre la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Les associations avaient dénoncé le lobby des alcooliers, et un gouvernement plus sensible aux difficultés de la filière viticole quâaux enjeux de santé publique ».
« Câétait sans compter sur la volonté des associations, parties tête baissée dans la campagne », observe Le Figaro.
Le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur lâalcool et les pharmacodépendances de lâInserm (Université de Picardie Jules Verne), remarque ainsi que « le phénomène de contagion sociale a marché ».
Le journal note que « le site internet dryjanuary.fr affiche 8 769 inscriptions ». Le Pr Michel Reynaud, addictologue et président du Fonds Action Addictions, relève quâ« il y en a aussi eu quelque 4000 sur Twitter, et autant sur Facebook. Bien sûr ces chiffres se recoupent partiellement, mais lâon est clairement à plus de 10.000 participants ! ».
Le Figaro remarque que « cela peu sembler peu dans un pays où les trois quarts des adultes sont des buveurs occasionnels ou réguliers, et plusieurs médecins nous ont indiqué que leurs patients nâavaient dans leur majorité pas entendu parler de la campagne. Mais «câest deux fois plus que le premier Dry January britannique, qui avait réuni 4000 personnes !», indique Mickaël Naassila ».
Le journal observe que « lâabandon des pouvoirs publics français a peut-être été un mal pour un bien, glissent même les organisateurs du Dry January à la française. Les médias se sont alors intéressés au sujet et «cela a mobilisé les gens», estime le Pr Naassila ».
Le Figaro note cependant que « lâimportation dâune campagne mûrie dans des pays anglo-saxons laisse [â¦] certains perplexes ».
Marie Choquet, docteur en psychologie et épidémiologiste, directrice de recherche honoraire à lâInserm, déclare ainsi que « ce sont des pays où lâon boit beaucoup de manière excessive, alors quâen France nous avons un mode de consommation valorisé socialement et globalement maîtrisé ».
« Plaquer comme ça cette campagne sans tenir compte des consommations différentes entre les pays, cela tombe un peu à côté », poursuit la spécialiste.
Elle évoque la Tournée minérale belge : « Câest un message positif, et elle se déroule en février donc pas pendant la période de vÅux⦠», puis observe que « la force de lâidéologie, dâun côté comme de lâautre, nous empêche dâêtre raisonnables. On est incapable de lutter tous ensemble, soignants, consommateurs et producteurs, pour faire baisser la consommation dâalcool ».
Krystel Lepresle, déléguée générale de Vin & Société, déclare pour sa part que « toutes les consommations ne sont pas néfastes, et 9 Français sur 10 boivent moins de 10 unités dâalcool par semaine. Ont-ils besoin dâun mois dâabstinence, ou plutôt dâêtre informés sur une consommation à moindre risque ? Et pourquoi ne pas mettre les moyens financiers sur les alcoolodépendants ? ».
Le Figaro note que « les associations représentant ces derniers seraient pourtant «contentes que lâon reconnaisse enfin la difficulté de ne pas boire et la pression subie quand on refuse un verre», assure le Pr Reynaud. Quant aux bénéfices dâun mois dâabstinence sur la santé des petits buveurs, des études ont montré quâils étaient bien réels ».
Le Pr Naassila évoque les « bienfaits » « sur le cholestérol, la glycémie, la concentration, le sommeil⦠On voit aussi un effet à 6 mois avec la baisse de la consommation quotidienne et le nombre dâivresses. [â¦] Les gens vont mieux, sont plutôt fiers dâeux et se font féliciter. Câest devenu positif de ne pas boire dâalcool ».
Le journal conclut que « les organisateurs comptent bien renouveler lâexpérience lâan prochain et attendent les résultats dâune étude «que va mener Santé publique France pour savoir combien de personnes ont fait le Dry January, pour quelles raisons, qui ne lâa pas fait et pourquoi⦠, indique Michel Reynaud. Cela rendra vraisemblablement plus difficile de refuser dâassocier les autorités sanitairesâ¦Â» ».