Tabagisme : un risque accru d’infection COVID-19 et d’évolution plus grave

Tabagisme : un risque accru d’infection COVID-19 et d’évolution plus grave
portrait of a young caucasian girl with headphones and a medical mask and smoking a cigarrette on white background

La pandémie d’infections COVID-19 progresse rapidement, les données sur le possible rôle délétère du tabagisme sont encore parcellaires. Mais fumer favorise la survenue d’une infection COVID-19 et est associé à une évolution plus sévère de la maladie, selon l’OMS et une revue de la littérature.

Les fumeurs sont à plus haut risque de contracter une infection COVID-19, indique l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Le fait de fumer met en effet en contact les doigts et les cigarettes, potentiellement contaminées, avec les lèvres, ce qui bien sûr accroît les risques de transmission du virus. Il en est de même pour les pipes à eau et autres chichas, partagées par différentes personnes et favorisant la transmission.
Parallèlement, en raison de son impact négatif sur la santé pulmonaire et son association à de nombreuses pathologies respiratoires, le tabagisme est a priori considéré comme un facteur d’évolution plus grave de l’infection COVID-19. Le fait de fumer a aussi des effets négatifs sur le système immunitaire, notamment sur les capacités de défense en cas d’infections. Des études antérieures ont notamment montré que les fumeurs ont un risque de grippe doublé par rapport à celui des non-fumeurs avec, en outre, des symptômes plus sévères. Lors de l’épidémie de MERS-CoV, la mortalité était également plus élevée chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.

Cinq études passées à la loupe

Constantine Vardavas et Katerina Nikitara ont réalisé le 17 mars dernier une revue systématique de la littérature sur les liens entre COVID-19 et tabagisme. Cinq études ayant analysé ce facteur de risque ont été retenues, toutes faites en Chine, dont 4 à Wuhan, qui portaient uniquement sur des patients COVID + inclus au cours des deux premiers mois de l’épidémie, en décembre 2019 et en janvier 2020.
Un premier travail avait inclus 191 patients, dont 54 sont décédés. Parmi ces derniers, 9 % étaient des fumeurs actifs versus 4 % dans le groupe ayant guéri, sans que cette différence ne soit statistiquement significative (p=0,21). Un autre essai, mené sur 140 patients, a de son côté trouvé un taux de 3,4 % de fumeurs actifs et de 6,9 % d’anciens fumeurs chez les sujets ayant une infection sévère (n=58), alors qu’il n’y avait aucun fumeur et 3,7 % d’anciens fumeurs parmi les patients ayant une forme non sévère de la maladie (n=82), aboutissant à un odds ratio de 2,23.
Dans la troisième étude, qui a porté sur un petit effectif de 41 patients, le tabagisme n’était pas associé à un risque accru d’hospitalisation en réanimation : aucun fumeur parmi les 13 admis en réanimation et 3 fumeurs dans le groupe n’ayant pas nécessité de soins intensifs, la différence n’étant pas statistiquement significative.

Un risque de progression parfois très élevé

La 4e étude réalisée à Wuhan, sur 78 patients, a mis en évidence un effet délétère significatif du tabagisme : 27,3 % d’antécédents de tabagisme dans le groupe de patients ayant eu une évolution défavorable, comparativement à 3 % chez ceux s’étant améliorés ou stabilisés (p = 0,018). Après analyse en régression multivariée, le tabagisme était un facteur de progression de la maladie, avec un odds ratio (risque relatif) de 14,28.
La plus vaste étude est celle qui a été réalisée dans différentes autres régions de Chine, où le statut tabagique était précisé pour 1 099 patients, dont 173 présentaient des symptômes sévères et 926 une forme modérée de la maladie. Dans le groupe d’évolution grave, 16,9 % des patients étaient des fumeurs actifs et 5,2 % des anciens fumeurs. Des taux qui étaient respectivement de 11,8 % et 1,3 % dans le groupe « non sévère ». Si l’on intéresse uniquement aux patients ayant nécessité une ventilation mécanique, une hospitalisation en réanimation ou qui sont décédés, la proportion de fumeurs (25,5 %) ou d’anciens fumeurs (7,6 %) était encore plus importante. Aucune analyse statistique sur le lien entre tabagisme et évolution de la maladie n’a été effectuée dans cette étude, mais C Vardavas et K Nikitara ont calculé que le risque relatif d’avoir des symptômes sévères était de 1,4 chez les fumeurs et celui d’être hospitalisé en réanimation, d’avoir besoin d’une ventilation mécanique ou de décès était de 2,4.
Pour les auteurs, ces données doivent être confirmées à plus large échelle, mais les fumeurs semblent bel et bien à plus haut risque d’infection sévère.

Pour en savoir plus

Are smokers and tobacco users at higher risk of COVID-19 infection ? OMD 24 mars 2020.

Constantine I Vardavas et Katerina Nikitara. COVID-19 and smoking: A systematic review of the evidence. Tob. Induc. Dis. 2020;18(March):20. DOI: https://doi.org/10.18332/tid/119324

A propos

Médecin Généraliste Diplômé des Facultés de Médecine de Strasbourg et de Lyon DIU de sexologie

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